OSacrée croissance, documentaire de Marie-Monique Robin, sera projeté en avant-première, lors de cette séance organisée en partenariat avec l’association Ecocampus. La séance (en numérique) sera exceptionnellement gratuite et suivie d’un débat avec la réalisatrice.
Plus d’informations sur le site d’Ecocamus.

Couleurs.
Pays : France.
Année : 2014.
Rapide synopsis : Face à la crise et aux risques écologiques, il faut repenser de fond en comble notre modèle de société fondé sur la croissance. Locales et solidaires, des solutions alternatives existent. Le nouveau documentaire de Marie-Monique Robin témoigne de celles qui vont – peut-être – orienter notre futur.
Et pour résumer :
en salle Dussane, au 45 rue d’Ulm
pour voir et revoir
Sacrée croissance
de Marie-Monique Robin
Proposition d’analyse
Pour cette seconde carte blanche à Ecocampus, et en ce jour de clôture du FIFE (Festival International du Film d’Environnement), c’est un film résolument optimiste qui a ici été mis à l’honneur. En effet, Sacrée Croissance !, de Marie-Monique Robin, ne cherche pas à mettre à l’écran les dégâts qu’a causés la crise économique de 2008, ni à alerter par des propos catastrophistes. Il se fait au contraire le porte-parole de nombreuses initiatives, le plus souvent locales, qui toutes montrent que cette sacro-sainte « croissance » n’est, en fin de compte, pas un but en soi.
Mais d’abord, de quelle « croissance » parle-t-on ici ? Croissance financière, croissance boursière, croissance consumériste… La croissance visée par Marie-Monique Robin est celle qui fait de la spéculation une religion, du PIB une raison d’État. Et de fait, face au déséquilibre mondial, à la fois écologique, économique et social, il semble que les exemples locaux de Sacrée Croissance ! doivent servir de modèle pour une société… « post-croissance ». Le documentaire peut ainsi faire écho au film Solutions locales pour un désordre global, de Coline Serreau (2010). Pour autant, il ne s’agit pas de faire l’apologie de la décroissance : l’enjeu est ici de trouver d’autres modes de vie, et notamment de vie en communauté, qui permettent d’échapper à ce « dogme de la croissance ». Le film joue d’ailleurs sur le contraste entre cette abondance de solutions localisées – qu’elles soient agricoles ou économiques – et la parole des économistes, à valeur globale. L’ironie réside dans le rappel, régulier, de l’importance de la notion de croissance dans le discours politique : les hommes et femmes d’État laissent peu à peu la place à celles et ceux qui incitent à se recentrer sur nos véritables besoins.
De manière flagrante, la majorité des initiatives présentées reposent sur la localité. Les différents modes d’agriculture urbaine en constituent une première illustration : ce phénomène en plein essor est ici présenté de deux manières très différentes. A la périphérie de Toronto, nous pouvons constater le succès de FreshCityFarms, l’entreprise toute neuve d’ex-cadres de Wall Street, reconvertis en jeunes fermiers. Cette coopérative s’étend et prend de l’ampleur, en s’efforçant toujours de limiter son empreinte carbone (écueil de la plupart des circuits courts) ; mais elle semble constituer une exception dans le tissu urbain canadien. A l’inverse, à Rosario (Argentine), les potagers urbains sont nombreux, et ont permis la réinsertion des laissés-pour-compte de la croissance des années 2000. Aujourd’hui, encouragé et soutenu par la mairie de la ville, ce mode de culture est bien en place : Rosario est devenu un modèle d’agriculture urbaine. Ceci illustre le défi des initiatives alternatives à la croissance : celles-ci doivent être mues localement par ceux qui en ont besoin, mais ce n’est que grâce au soutien des institutions qu’elles sont pérennisées. Le changement des mentalités, et à plus forte raison le changement des habitudes, est une gageure ; mais ce n’est qu’à ce prix que de telles solutions peuvent être durables.
En parallèle de l’auto-suffisance alimentaire, qui permet d’éviter le gaspillage lié à la grande distribution, le documentaire présente deux exemples d’auto-suffisance énergétique. L’impact environnemental est, là encore, réduit à son minimum : seules des énergies renouvelables peuvent permettre une autonomie durable. S’il est encore difficile d’appliquer ce principe à des pays étendus et peuplés, les localités réduites permettent d’expérimenter son application. L’île de Samsö, au Danemark, est ainsi une première en terme de production énergétique coopérative : elle a vu le regroupement des habitants au sein d’une association de consommateurs. C’est cette association qui a orchestré la construction des éoliennes qui alimentent l’île en électricité. Là encore, les institutions ont un rôle important à jouer : au Népal, afin de rendre les villages de reculés autonomes en électricité, ingénieurs allemands et collectivités locales ont travaillé main dans la main pour construire des centrales de micro-hydro-électricité.
Les dernières initiatives que présente le documentaire sont économiques : elles font appel au micro-crédit et, plus surprenant, à un système de monnaie locale. À Fortalezza (Brésil), le quartier délaissé du Conjunto Palmeira a ainsi réussi, en l’espace de quelques années, à faire revenir entreprises et commerçants grâce à l’adoption d’une monnaie qui n’existe nulle part ailleurs : le Palmas. Cette monnaie ne peut sortir de la ville, et ne sert donc qu’à l’achat et à la vente, non à la spéculation ; un système de ristournes incite à son utilisation à la place du Real, la monnaie nationale. Le système, obligatoirement local – puisque circonscrit dans un seul quartier – s’approche de celui de Traunstein, en Bavière. Cette ville, ainsi que ses voisines, offre à ses habitants le choix entre l’usage de l’euro et celui du Chimgauer, une monnaie « fondante », qui perd de sa valeur avec le temps. L’emploi de celle-ci permet de favoriser les associations locales.
Tous ces exemples font émerger des concepts nouveaux, qui amènent à reconsidérer l’économie telle que nous la connaissons. Les consommateurs « malgré eux » peuvent devenir des « prosommateurs » : ils produisent autant de richesse qu’ils en consomment. Ce type de concepts est non seulement durable, mais aussi altruiste : toute la communauté profite du travail de chacun. Et c’est au Bhoutan que s’achève le tour du monde des solutions à notre « problème de croissance » : ce petit pays himalayen a trouvé au PIB un remplaçant prometteur, qui motive les initiatives durables. Les enfants, symbole de demain, y sont dès l’école imprégnés des valeurs écologiques et pleines d’espérance que porte cet indice.
– Emmanuel