Punishment Park de Peter Watkins (mardi 3 janvier 2017, 20h30)

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Proposition d’analyse

Le réalisateur Peter Watkins a beaucoup travaillé la forme documentaire, par exemple dans un de ses premiers films Forgotten faces, qui est une reconstitution de la révolte hongroise de 1956, ou dans son œuvre qui est peut-être la plus connue, Munch, documentaire sur le célèbre peintre scandinave dans lequel il recourt également à la reconstitution. Punishment Park est un très bon exemple de ce travail : si l’histoire est fictionnel, Peter Watkins cherche à donner à son film le plus possible l’aspect d’un documentaire. Cet effet est obtenu par des procédés techniques (caméra à l’épaule, image volontairement d’assez mauvaise qualité, usage d’une voix off à l’intonation neutre) mais aussi par des choix de réalisation (grande place laissée à l’improvisation, choix d’acteurs souvent non-professionnels), ce qui dénote une influence du cinéma vérité. La paresse d’esprit peut nous amener à voir dans Punishment Park un film purement partisan (Peter Watkins est connu pour son engagement notamment contre les media de masse) voire simpliste dans son propos, ce serait ignorer la liberté laissée par Peter Watkins lors du tournage aux acteurs, qu’ils interprètent les accusés ou les membres du juré. Le film est donc plus objectif qu’on ne peut le penser au premier abord et chercher à dépeindre à travers le prisme de la fiction la polarisation de la société américaine dans les années 70 (ce en quoi le film remplit d’une certaine manière une entreprise réellement documentaire). Comme dans un documentaire, c’est le montage qui représente le principal moyen pour le réalisateur d’exprimer son point de vue, et Peter Watkins ne s’en prive pas, usant d’une ironie parfois morbide qui ne laisse que peu d’ambiguïté quant au dénouement du film..

Le film présente en parallèle deux histoires : le périple des membres du groupe 637 dans Punishment park et le procès du groupe 638. Celle-ci permet à Peter Watkins de donner sa vision de la société américaine dans les années 70 tandis que celle-là est le point de départ d’une réflexion plus générale sur les différentes formes que peut prendre l’engagement. On notera d’ailleurs une présence du réalisateur dans la mise en place de cette réflexion plus forte que dans le reste du film : le groupe 637 se divise assez schématiquement en trois, mettant en avant différentes formes de lutte qui passent par plus ou moins de pacifisme et d’acceptation des règles imposées par l’autorité. Le rapport à la règle est en effet un thème essentiel de ce film, Punishment park apparaît comme une tentative de ritualisation de la contestation, peut-être dans le but de lui faire perdre son sens, alors que l’absurdité des règles auxquelles sont soumises les participants nous obligent à les questionner, ce qui amène naturellement un questionnement sur les règles auxquelles nous somme soumis. Le choix des protagonistes du procès, que ce soient les accusés ou les jurés, est également intéressant : Peter Watkins cherche à donner une image la plus complète possible de la société américaine de l’époque présentant à la fois les milieux contestataires et la « moral majority ». Le film oscille donc entre le documentaire et la fable politique, une des grandes audaces de Peter Watkins dans ce film étant de mettre en place dans un mode contemporain et de manière très directe une dystopie qui serait plus attendue par exemple dans un ouvrage de science-fiction. Il fait l’économie de la distance qu’offre habituellement la fiction pour délivrer son message sur la société américaine des années 70, ce qui résulte en un film particulièrement frontal..

A sa sortie, le film ne resta que quatre jours à l’affiche aux États-Unis et l’accueil critique fut plus que glacial. Le film n’a jamais été diffusé à la télévision américaine et il n’y a pas de raison de penser que cela puisse changer. Pour plus de détails sur l’accueil critique du film, je vous incite à aller consulter la page du site de Peter Watkins qui lui est dédiée, vous y trouverez notamment un article très intéressant par l’historien du cinéma Scott MacDonald.

Malo