Couleur.
Pays : Etats-Unis, Royaume-Uni.
Année : 2010.
Avec : Rhys Ifans, Banksy, Thierry Guetta.
Copie 35 mm
Rapide synopsis : Dans un monde où nous sommes bombardés de messages publicitaires qui envahissent l’espace public, les œuvres de Banksy offrent un regard différent – un regard à la fois drôle et incisif, sans être dogmatique pour autant. Banksy a fini par convaincre l’Anglais moyen que les véritables vandales de notre société sont ceux qui construisent des immeubles plus hideux les uns que les autres et non ceux qui dessinent sur leurs murs
Proposition d’analyse
Aux premiers abords, un documentaire classique sur une voie d’expression artistique émergente : le monde underground du street art. Mais un simple documentaire à vocation exhaustive aurait livré au public une image figée, rigide, et superficielle de ce mouvement qui se veut contre culturel, et sans cesse en évolution. Aussi Banksy nous livre une œuvre énigmatique, où la fiction et le réel se mélangent, sans contours précis, rompant ainsi le lien de confiance entre un cinéaste anarchique et son propre public, rendu sceptique par ce documentaire en trompe l’œil. L’artiste vandalise ainsi le cinéma comme le graffeur s’approprie n’importe quel lieu public.
L’histoire est celle de Thierry Guetta, passionné de culture urbaine, français émigré à Los Angeles, qui décide de suivre camera à la main des street artistes lors de leurs virées nocturnes, collectant ainsi des milliers d’heures de vidéo. Son plus grand rêve est de réussir à filmer Banksy, la plus insaisissable et plus mystérieuse star du mouvement. Ce dernier décide alors de retourner la caméra sur Guetta, qui décide alors de devenir lui même un artiste, en utilisant une stratégie commerciale basée sur une communication exceptionnelle, à défaut d’être talentueux. Exit Through the Gift Shop (titre en v.o.) prend alors la forme d’un documentaire sur Mr Brainwash, le nom de scène de Thierry Guetta.
Faites le mur nous présente une multitude d’éléments, qui, séparément, ne sauraient le caractériser. Ce n’est pas un documentaire autobiographique sur Banksy, même si paradoxalement ce film contribue à cultiver son propre mythe. Ce n’est pas non plus l’histoire d’une arnaque artistique, Mr Brainwash, personnage inventé ou non, qui accède à la notoriété en jouant sur la médiatisation du milieu de l’art. L’originalité de l’œuvre réside dans sa subversivité, dans la remise en question aussi bien des limites de l’art que des limites du réel, présentées pourtant à travers une forme censée le présenter avec intégrité.
Le public aura peu de certitudes quant à ce film et quant à la part de crédit à accorder à l’histoire qui nous est présentée. Cependant, il est incontestable qu’il aura assisté à une destruction pure et simple de la marchandisation de l’art, qui transforme en produit de consommation toute voie d’expression artistique. Banksy condamne ainsi un embourgeoisement qui voudrait s’emparer d’un mouvement pourtant issu de la rue, qui grandit dans la plus grande clandestinité. Quelle que soit l’opinion que l’on a de Banksy et du street art, on ne peut nier qu’on se trouve en présence d’une véritable pépite cinématographique, qui est plus qu’un documentaire, plus qu’un film, et dont la forme ouverte et le flou qui l’entoure incitent le public à mener une réflexion personnelle au lieu de se contenter d’images prédigérées par la commercialisation de l’art.
Félicien