Le jardin des Finzi Contini est une adaptation libre du roman du même nom de Giogio Bassani.Le film a remporté l’Ours d’or du festival de Berlin ainsi que l’Oscar du meilleur film en langue étrangère en 1971.
Couleur.
Pays : Italie.
Année : 1970.
Avec : Dominique Sanda, Fabio Testi, Romolo Valli .
Copie 35 mm
Rapide synopsis : Italie, 1938. Ayant entrepris depuis peu de se convertir à l’antisémitisme, le régime fasciste multiplie les mesures vexatoires contre les Juifs italiens. Mais la famille Finzi-Contini, pilier de l’aristocratie de Ferrare depuis des générations, ne croit pas à l’imminence de la menace. Les deux enfants adultes, Micól et Alberto, aiment bien donner des parties et jouer au tennis dans l’immense parc qui entoure le palazzo familial. Comme les clubs sportifs viennent d’être interdits aux Juifs, des jeunes gens de milieux plus modestes sont désormais invités à jouer dans le jardin des Finzi-Contini. C’est ainsi que Giorgio a l’occasion de rencontrer la lointaine Micól et tombe peu à peu amoureux d’elle, qui lui en préfère un autre, cependant qu’hors des murs, le pire se prépare…
Proposition d’analyse
S’étant vue interdire l’accès aux courts de tennis de la ville, la jeunesse juive de Ferrare a pris l’habitude de se réunir dans le jardin des Finzi Contini, domaine familial qui en cet été 1938 semble encore hors d’atteinte des décrets discriminatoires du régime fasciste. Lieu préservé, à la fois hors du temps et hors de la ville, où les jeunes gens peuvent évoquer leurs études et leurs amours à l’abri de chênes centenaires, le jardin incarne un monde de la sécurité qui n’a pas encore été bouleversé par l’actualité brûlante. Un monde où ont grandi les deux plus jeunes Finzi Contini, le frère Alberto et la sœur Micol. Ces derniers ont décidé d’inviter leurs amis et les amis de leurs amis dans la demeure familiale le temps d’une partie de tennis. Micol y revoit à l’occasion Giorgio, un ami d’enfance qui éprouve pour elle un sentiment allant bien au-delà de la simple amitié. Ami d’Alberto, Giorgio fréquente assidûment la maison des Finzi Contini, d’autant que cet havre de paix et d’hospitalité lui offre tout ce que lui refuse une ville hostile. Si Micol semble d’abord recevoir, non sans une certaine ambiguïté, les marques d’affection de Giorgio, il apparaît rapidement que celui-ci ne pourra cultiver autre chose qu’un sentiment de dépit à son égard.
Le jardin des Finzi Contini (1970) est une adaption libre du roman de Giorgio Bassani, paru en 1962. On ne fera pas d’étude comparative, mais signalons que Bassani était en désaccord avec la vision de Vittorio De Sica, principalement parce que ce dernier rendait certaines scènes-qui étaient sous-entendues dans le roman-explicites dans le film. Il a rencontré un certain succès (Oscar du meilleur film en langue étrangère en 1971, Ours d’or), d’autant qu’il est relativement tardif dans sa filmographie (la plupart des chefs d’œuvres de De Sica se situent entre la fin des années 40 et le début des années 60).
Il y a certainement beaucoup de choses à dire à propos du Jardin des Finzi Contini, mais parmi celles-ci on peut s’intéresser à l’importance et à la profonde cohérence du traitement de l’espace. La première moitié du film se déroule quasiment uniquement dans un espace privé et clos (le jardin, la maison de Giorgio). La rue n’y apparaît que comme un lieu de passage et est rarement très peuplée. Les incursions dans l’espace public se font plus fréquentes dans la deuxième moitié, mais ont surtout pour fonction de révéler l’inhospitalité de ce milieu (Giorgio se fait expulser de la bibliothèque, le cinéma montre les bombardements perpétrés par l’Allemagne nazie et des scènes de destructions), bref rend explicite un contexte qui n’était qu’évoqué dans la première partie. Lorsque la rue est filmée en tant que telle- et non pas traitée comme lieu de passage-, c’est pour montrer le déferlement des chemises noires ou encore la manière dont les troupes militaires s’approprient l’espace urbain (scène où les soldats fascistes tournent en rond dans le but de faire de la reconnaissance, par ailleurs dans un parc d’attraction et autour d’un manège…).
Revenons au jardin : séparée de la ville par des remparts et une verdure luxuriante, la demeure des Finzi Contini est un monde à part. Cela est une source de reproches de la part de certains habitants de Ferrare, qui sentent bien que « ce sont des gens différents de nous », ainsi que s’exprime plus ou moins le père de Giorgio, allant même jusqu’à suggérer qu’ils ne sont pas « juifs de la même manière que nous ». Signalons que le père de Giorgio a sa carte au parti fasciste et essaie tant bien que mal au début de manifester un sentiment d’appartenance et de défendre le régime fasciste en affirmant que « Mussolini, c’est tout de même mieux qu’Hitler ». Le film insiste aussi sur la distance sociale qui sépare par exemple les Finzi Contini, famille aristocrate, des familles de la bourgeoisie comme celle de Giorgio. L’invitation au sein du jardin recrée ainsi un certain microcosme social : si ces jeunes gens font les mêmes études et vont à la même synagogue, s’ils sont frappés par les mêmes mesures discriminatoires, ils ne proviennent pas moins de milieux sensiblement différents et ne réagissent pas de la même manière aux soubresauts de la société.
On pourrait consacrer des chapitres entiers à l’esthétisme de la scène d’ouverture-le moment où les amis de Micol et Alberto pénètrent dans le jardin-, l’atmosphère cotonneuse de cette balade à bicyclette, le jeu sur les reflets de leurs habits blancs (au symbolisme à peu près évident), les vues en contre-plongée sur les palmiers et les ormes, les variations de netteté… Mais il vaut sûrement mieux ne l’évoquer que succinctement et laisser à l’image sa primauté.
Mehdi