Chat noir, chat blanc de Emir Kusturica (mardi 22 septembre 2015, 20h30)

Un chat noir et un chat blanc, un mariage arrangé, un trafic de trains, un orchestre attaché à un arbre, un cochon qui mange une voiture : Emir Kusturica s’autorise tout dans cette comédie fourmillante à l’humour parfois grinçant, soutenue par la bande-son réjouissante de Goran Bregovic.

cncb

Proposition d’analyse

Avec Underground, Emir Kusturica remporte en 1995 sa deuxième palme d’or. Par ce film, fresque sur la Yougoslavie d’après la Seconde Guerre mondiale et les guerres d’Ex-Yougoslavie du début des années 90, Kusturica est accusé par certains de défendre une position uniquement proserbe et les actions de Milošević. Meurtri, Kusturica annonce alors arrêter le cinéma. Trois ans plus tard, en 1998, il sort pourtant un nouveau long métrage, Chat noir, chat blanc, primé d’un lion d’argent à la Mostra de Venise. D’abord prévu comme un documentaire télévisuel sur la musique tzigane, Kusturica se décide à y intégrer l’anecdote d’un grand-père mort avant un mariage dont le corps est caché dans la glace pour éviter de reporter la cérémonie.

Chat noir, chat blanc sera finalement une fiction, écrite autour de ses deux thèmes de prédilection : la musique et la culture gitane. Se démarquant clairement d’Underground, il propose un film moins politique mais chargé d’humour. La bande originale du film est composée en grande partie par son propre groupe, le No Smoking Orchestra, et la fanfare qui apparaît à l’écran (et dans les arbres) est le Slobodan Salijević Orchestra. Kusturica filme des gitans sur les rives du Danube; il leur avait déjà consacré un de ses précédents longs-métrages, le Temps de gitans. Afin d’être au plus proche de cette communauté, le casting est majoritairement constitué d’acteurs amateurs, comme Ljubica Adzović qui joue la grand-mère dans les deux films. Symbolisant pour lui la liberté, le film est une ode à la vie. Entremêlant joies et tristesses, le film révèle un optimisme capable de transcender les aléas de la vie.

Chaque plan du film foisonne de vie, qu’elle soit humaine ou animale, Kusturica ne recule devant aucune exubérance et entraîne ses personnages dans une série de gags de plus en plus loufoques. Les scènes de mafia s’inspirent de la BD comique Alan Ford, parodie italienne de James Bond, en vogue en Yougoslavie et que l’un des gangsters lit dans la limousine. À ces scènes purement comiques, Kusturica entremêle des éléments fantastiques, notamment la mort du grand-père avant le mariage, témoignages de la conception mystique de la vie par les gitans. Cette magie qui s’intègre très naturellement au réel peut se rapprocher du réalisme mystique de Gabriel García Márquez, dont Kusturica envisage d’adapter un des romans.

Éléments comiques et tragiques cohabitent naturellement, symbolisés par le leitmotiv du chat noir et du chat blanc (la traduction littérale du titre est d’ailleurs “chatte noire, chat blanc”). Avec ses scènes parfois très kitch où le pire peut arriver, mais tout s’arrange miraculeusement, Chat noir, chat blanc pousse quelques soit les circonstances à garder le sourire.

-Arthur