Suzanne de Katell Quillévéré
(mardi 26 mai 2015, 20h30)

Attention, il n’y aura pas de séance le mardi 19 mai.

Pour sa prochaine séance, le ciné-club vous entraîne dans 25 ans de la vie d’une femme avec « Suzanne », flamboyant portrait d’une jeune femme qui s’adonne sans mesure à la vie. La réalisatrice Katell Quillévéré sera présente à la fin de la projection pour discuter avec vous de ce film intense et fervent.

Comme d’habitude, l’entrée coûte 4€, 3€ pour les membres du COF et vous avez la possibilité d’acheter des cartes de 10 places pour respectivement 30€ et 20€.

Proposition d’analyse

Comme son titre l’indique, Suzanne est le portrait d’une femme qui porte le même prénom que l’héroïne de À nos amours de Pialat. De l’enfance à la trentaine, le film raconte la trajectoire de Suzanne : petite fille faisant un spectacle de danse à l’école, orpheline de mère que son père a du mal à comprendre, maman adolescente, jeune amoureuse en cavale avec un bandit. Mais, comme son titre ne l’indique pas, Suzanne est aussi une chronique familiale qui fait la part belle aux rôles secondaires en allant jusqu’à faire disparaître son héroïne pendant tout un épisode. Comme dans son premier long-métrage Un Poison violent, Katell Quillévéré s’attache aux conséquences des choix du personnage principal sur son entourage proche : sur son père dépassé par les événements, sur sa sœur joyeuse et compréhensive, sur le fils qu’elle a eu très jeune.

Interprété avec beaucoup de pudeur par Sara Forestier, le personnage est à la fois solaire et taciturne. Suzanne brûle, Suzanne flambe, Suzanne est imprévisible, Suzanne aime, Suzanne s’adonne à la vie ; mais Suzanne souffre, Suzanne se tait, Suzanne reste un mystère. Contrairement à sa sœur, volubile et soumise, Suzanne rue dans les brancards en silence. « Quand un comédien pleure, je n’arrive pas à pleurer avec lui » a déclaré Katell Quillévéré dans une interview. Pas besoin d’effusion de larmes pour émouvoir ; la retenue de ces personnages qui ne se comprennent pas toujours mais s’aiment et se pardonnent suffit.

La construction et le montage du film eux-mêmes sont tout en retenue. Grâce à ses longues ellipses, Suzanne évite les écueils de la chronique socio-réaliste et du drame psychologisant. On ne verra ni les bouleversements amenés dans la vie de l’adolescente par la naissance de son enfant, ni la cavale de Suzanne et de son amant, ni la misère et les délits qui la conduisent en prison. Suzanne est en quête d’un ailleurs, mais le film, tel le rappel d’un élastique, la ramène toujours aux mêmes lieux : la tombe de sa mère, la ville de son enfance, la prison, un modeste hôtel dans la banlieue de Marseille… Le spectateur doit imaginer lui-même les épisodes restés hors-champ tant géographiquement que temporellement. Le film l’invite ainsi à placer un peu de ses propres expériences en Suzanne et à aller au-delà du jugement. Même s’il désapprouve la mère irresponsable, la fille indigne, la sœur ingrate, il finit par accepter de ne pas comprendre Suzanne et par se rendre compte que « Sur cette terre il y a une chose effroyable, c’est que tout le monde a ses raisons ». Et, depuis Jean Renoir, telle est la vocation du cinéma.

– Louise