Trois souvenirs de ma jeunesse d’Arnaud Desplechin

Quinzaine des réalisateurs

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Trois souvenirs de ma jeunesse, un titre qui pourrait en réalité s’appliquer aussi bien au héros de Desplechin qu’à ses spectateurs. En rassemblant ses souvenirs, Paul Dédalus invite en effet ces derniers à une remontée dans leur propre mémoire pour y retrouver les précédents films du réalisateur. Dédalus est de nouveau face à nous, enfant, lycéen, puis jeune étudiant en anthropologie, rejoignant progressivement l’époque où on l’avait tout d’abord rencontré dans Comment je me suis disputé…(ma vie sexuelle), lors des débuts de Desplechin. Si l’enfance et l’adolescence de Paul sont abordées de manière quelque peu elliptique, dans une accumulation assez brutale et effrénée de séquences, parfois difficile à suivre, on retrouve avec le récit de sa jeunesse tous les éléments nécessaires pour nous replonger dans le monde de Desplechin. Roubaix, la nonchalance mâtinée de mélancolie et de doutes profonds de Paul, ses envolées de beau parleur maladroit, enfin ses livres qui s’accumulent à l’image comme dans ses phrases, tout est là, annonçant, dans une certaine mesure, après coup Comment je me suis disputé…(ma vie sexuelle).

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Mais Trois souvenirs de ma jeunesse construit surtout a posteriori le passé de Paul Dédalus dans le mesure où il met en scène le moment de sa rencontre avec Esther. Encore lycéenne elle a déjà son air buté, sa fougue et son refus de tout compromis, que ce soit dans ses relations avec les autres ou dans ses idées. Dès lors, l’amour passionnel et tragique, les affrontements homériques entre Paul et Esther, sont aussi présents dans ces premiers pas de leur histoire que met ici en scène Desplechin. Mais tous les deux ne sont pas les seuls fantômes cinématographiques à venir hanter le spectateur au cours du film. Dans les errances désabusées de Paul, on retrouve un peu Ismaël, de même que l’intransigeance d’Esther n’est pas sans rappeler celle de Nora, Roi et Reine de la filmographie passée de Desplechin. Quant à Roubaix, aux cousins, frères et sœurs, amis, qui gravitent autour de la grande maison familiale habitée par le jeune Paul, ils ne sont pas très éloignés de la famille partagée entre indéfectible tendresse et rancoeurs déchirantes d’Un conte de noël.

Que ce soit à travers les rapports qui se nouent entre les personnages, ou l’interprétation des deux jeunes comédiens, Quentin Dolmaire et Lou Roy Lecollinet, frappante par la manière dont elle est empreinte du jeu de Mathieu Amalric et Emmanuelle Devos (les Paul, Esther, Ismaël ou Nora précédents de Desplechin), ces Trois souvenirs, sont bien en partie ceux du spectateur, qui se lance avec plaisir dans cette exploration non seulement de la mémoire du héros, mais de son expérience personnelle du cinéma de Desplechin.

– Marie