Archives de catégorie : Analyses

La plupart de nos séances bénéficient d’une analyse faites par l’un ou l’une des membres du club et distribuée en début de séance. Vous pouvez les retrouver ensuite ici !

Shoah, de Claude Lanzmann (mercredi 15 janvier 2020, 19h30 et vendredi 17 janvier 2020, 18h30)

Comme d’habitude, l’entrée coûte 4 euros, 3 pour les membres du COF et vous avez la possibilité d’acheter des cartes de 10 places pour respectivement 30 et 20 euros. L’entrée est gratuite pour les étudiant.e.s invité.e.s.

L’association Massorah et le Ciné-club de l’ENS, avec le soutien de la Fondation du Judaïsme Français et du Mémorial de la Shoah, vous présentent le film Shoah, de Claude Lanzmann. Les deux séances (15 et 17 janvier) précèdent une journée d’étude « Shoah, après Lanzmann » (23 janvier).

L’association Massorah a été créée en 2019 par des élèves de l’ENS pour transmettre et renouveler les études juives. Elle organise le séminaire Actualité et Renouveau des Études Juives, des projections, des lectures et des journées d’étude.

Et pour résumer :

Rendez-vous le mercredi 15 janvier 2020, 19h30 et le vendredi 17 janvier 2020, 18h30
en salle Dussane, au 45 rue d’Ulm
pour voir et revoir
Shoah
de Claude Lanzmann

Proposition d’analyse

Né d’une collecte minutieuse de centaines d’heures d’entretiens menés par Claude Lanzmann entre 1976 et 1981, ce film-fleuve fait le choix d’interroger, trente ans après la fin de la guerre, les témoins et les lieux marqués par l’extermination des Juifs d’Europe. Le film appréhende l’ampleur de la Shoah à travers de nombreux pays et envisage avec détails et précisions l’organisation spatiale concrète du génocide. Les camps d’exterminations (Auschwitz–Birkenau,
Belzec, Chelmno, Sobibor et Treblinka), les forêts et villages alentours, les gares, les routes, les voies de chemins de fer, et les villes où désormais habitent les rares survivants, accueillent les voix et les souvenirs.
A sa sortie, il y a trente-cinq ans, Shoah se distingue radicalement des œuvres cinémato- graphiques qui façonnent alors la mémoire collective de l’extermination des Juifs d’Europe. Contrairement à Nuit et brouillard (1955) d’Alain Resnais, film de référence en France sur la question, Claude Lanzmann choisit de ne reprendre aucune image d’archives. Il ne fait pas non plus le choix de la fiction comme la mini-série hollywoodienne Holocauste (1978). Au contraire, en optant pour un monumental montage de témoignages, Claude Lanzmann s’inscrit en partie dans la lignée de la démarche que Marcel Ophüls a initiée avec Le Chagrin et la pitié (1971). Mais, cette fois-ci, le documentaire porte expressément sur la « Shoah ».
C’est d’ailleurs le film de Lanzmann qui participe à rendre populaire ce terme qui, jusqu’alors, n’était utilisé que par une poignée d’intellectuels. Après avoir été jeune résistant, effectué une formation de philosophie puis être devenu journaliste et membre du comité de rédaction des Temps modernes de Sartre et Beauvoir, il réalise un premier documentaire Pourquoi Israël ? (1973). On y trouve déjà le dispositif d’entretiens, et surtout la présence incarnée du réalisateur. Dès la fin du film, sur commande du gouvernement israélien, Lanzmann débute une vaste enquête cinématographique qui l’amène à s’investir durant plus de dix ans pour ce qui deviendra son œuvre majeure : Shoah.
Dans ce film-fleuve de près de dix heures organisé en deux parties, il fait le choix d’interroger, trente ans après la fin de la guerre, les témoins et les lieux marqués par l’extermination des Juifs d’Europe. En collectant minutieusement plus de 350 heures d’entretiens dans quatorze pays (principalement en Europe, mais aussi en Israël et aux États-Unis), il refait vivre la mémoire des victimes, mais aussi celle des spectateurs, les habitants des villes à la lisière des camps, et celle des bourreaux, allant jusqu’à filmer à leur insu des responsables nazis.
Outre les interventions de l’historien Raul Hilberg et du résistant polonais Jan Karski, ce sont surtout les récits des survivants, comme Simon Srebnik, Abraham Bomba ou Filip Müller, qui occupent l’écran. Présent à l’image ou dans le champ sonore, le cinéaste soutient leurs témoignages et accorde une attention aiguë à la façon dont la « parole vive » émane de leurs silences, de leurs corps, de leurs gestes, de leurs visages, de leurs voix et de leurs soubresauts. Le montage et les mouvements de caméra prolongent cette parole vive en différents lieux qui, de façon monumentale ou invisible, gardent la trace du passé.
Ces centaines d’heures d’entretiens tournées pour Shoah ont par la suite donné lieu à plusieurs autres films de Lanzmann : Un vivant qui passe (1997), Le Rapport Karski (2010), Sobibór, 14 octobre 1943, 16 heures (2001), Le Dernier des injustes (2013) et, peu avant sa mort en juillet 2018, Les Quatre sœurs (2018).
Lucile et Emmanuel

Le Dirigeable volé de Karel Zeman (18 décembre)

Comme d’habitude, l’entrée coûte 4 euros, 3 pour les membres du COF et vous avez la possibilité d’acheter des cartes de 10 places pour respectivement 30 et 20 euros. L’entrée est gratuite pour les étudiant.e.s invité.e.s.

Et pour résumer :

Rendez-vous le mercredi 18 décembre 2019, 20h30
en salle Dussane, au 45 rue d’Ulmpour voir et revoir
Le Dirigeable volé
de Karel Zeman

 

Proposition d’analyse

À Prague, au tournant entre le XIXe et le XXe siècle, cinq chenapans s’envolent vers d’autres cieux sur un mystérieux dirigeable, œuvre du Professeur Findeys, fonctionnant grâce à un nouveau gaz ininflammable. Le gouvernement, les journalistes et les espions font foules pour découvrir le sort de l’invention et des enfants.
Film hybride où le décor rappelle ou utilise directement l’animation, Le Dirigeable volé surprend même le spectateur le moins observateur, le plus insoucieux de technique par le mélange entre des acteurs bien réels et différents éléments qui semblent des gravures animées. Karel Zeman, initiateur et à peu près seul utilisateur de cette technique, ne cherche pas à fondre l’effet spécial, mais va plutôt le faire cohabiter, comme élément hétérogène rapidement accepté comme tel par le spectateur avec ses prises de vue. Si ces films — donc entre autres, Le Dirigeable volé — rappellent un cinéma bien plus ancien (Zeman est surnommé affectueusement le Méliès Tchèque), remarquons que le langage cinématographique employé est moderne : coupes fréquentes dans une même scène, valeurs de plan variables, travellings. La juxtaposition d’effets et trucages clairement visibles les rend finalement plus remarquables et féériques que s’ils étaient soigneusement glissés dans l’arrière-plan. Car Le Dirigeable volé doit résoudre un problème plutôt ardu : comment adapter un roman d’anticipation datant du siècle passé ?

Bien que Le Dirigeable volé n’en soit pas une adaptation fidèle, le film a pour origine plusieurs livres de Jules Vernes (Cinq semaines en ballon, Deux ans de vacances et L’Île mystérieuse). L’esthétique du progrès technique qui forme un des plaisirs de la lecture des romans de Jules Verne est reprise dans ce film. Au fond, il n’est pas tellement plus étrange d’être émerveillé par un livre nous parlant d’un possible tour du monde en moins de trois mois, à une époque où on peut l’effectuer en moins de trois jours que de l’être par un film, réalisé deux ans avant qu’on ne marche sur la lune, qui parle d’une nouvelle technologie de dirigeable et où les espions épient les conversations en volant sur une bicyclette-planeur. En convoquant l’univers visuel du temps de Jules Verne — l’image jaune-orangé comme une illustration vieillie sur un méchant papier, le dessin d’engins invraisemblables, les décors tirés des illustrations des éditions Hetzel des romans de Jules Verne, la gravure — le film peut espérer restituer un certain esprit de ce temps et redonner du goût aux éléments narratifs qui le peuplent — un espion affublé d’une belle moustache et se cachant sous son journal, un train filant sur un viaduc, un dirigeable parcourant le monde. L’univers hétérogène du Dirigeable volé, entre gravure animée et photographie animée, est donc plus rêvé que réalisé et permet ainsi de renouveler l’intérêt pour l’invention, rend tous les plans de machine à nouveau envisageable — que ce soit l’hypothétique bicyclette volante ou ce qui deviendra le sous-marin.
Pour finir l’année et souhaiter à tous de plaisantes fêtes, le ciné-club vous propose un drôle de film d’aventures qui, nous le souhaitons, tirera de notre audience plus d’un sourire enjoué — un film où tout est à nouveau possible, voguer en ballon à travers le monde et sur l’océan, rencontrer le capitaine Nemo, jouer des tours à des pirates, épier des conversations comme l’espion en chapeau melon. Un film où l’imagination est stimulée par tant de visions improbables et qui vous fera peut-être à nouveau rêver.
Antoine