Quinquinzaine des réalisateurs
« Dors min p’tit Quinquin, min p’tit pouchin, min gros rojin. Te m’fras du chagrin si te ne dors point ch’qu’à d’main ». Une enquête policière extravagante, improbable et burlesque autour d’étranges crimes aux abords d’un village côtier du Boulonnais, en proie au mal, et d’une bande de jeunes crapules menée par P’tit Quinquin et Ève, son amoureuse.
Boulogne-sur-mer en cinémascope, une lumière comme seul Bruno Dumont sait la capter, des meurtres en pagaille et La bête humaine de Zola. P’tit quinquin est une série télévisée devenue film en plusieurs volets, une enquête burlesque sur une série de crimes atroces et purgateurs commis dans la petite commune. Comme toujours chez Dumont, les acteurs sont d’authentiques gens du coin, l’accent fait décor, les tronches abondent. Les cadavres sont exquis et dignes de Rubens. Les tribulations de la gendarmerie nationale ordonnent un défilé de scènes cocasses, mais il reste des inflexions plus sombres, la peinture sans concession d’une communauté au cœur du mal – Joseph Conrad convoqué à côté de Zola : P’tit Quinquin sonde le fond de la nature humaine. L’humour est efficace, mais Dumont ne fait pas pour autant l’économie de détours vers des questions plus sensibles, vers le racisme, vers la religion. Le portrait décomplexé et sarcastique d’une société abîmée, carnaval aussi désopilant qu’inquiétant; une série qui devrait donc détonner à son passage sur Arte en Septembre.
Galore de Rhys Graham
Cannes Antipodes
Billie et Laura, deux adolescentes de Canberra, se connaissent depuis toujours et partagent tout… Sauf le secret de Billie : elle est follement amoureuse de Danny, son meilleur ami d’enfance et le petit ami de Laura. Lors d’un été brûlant où les incendies menacent le bush avoisinant, musique, alcools forts, dérives nocturnes et trahisons mettent en péril leur amitié.
Ce film est certainement la preuve que la torture des interminables files d’attentes devant le Grand Palais ou la salle Debussy, le tumulte des scènes de ménage pour y trouver sa place, ou encore la gêne occasionnée par la présence de spectateurs incapables de se tenir lors d’une projection, ne sont pas des étapes nécessaires pour visionner de bons films au Festival de Cannes. En clair, vous l’aurez compris, ce film nous a beaucoup plu, mais il ne sera probablement pas sous le feu des projecteurs.
A première vue, on se dit qu’on nous présente encore une histoire sur les amours de jeunesse, et logiquement, vue la quantité de films sur le sujet, on se dit aussi qu’il faudrait un miracle pour que celui-ci soit original et novateur : force est de constater que ce terrain prospère a déjà été abondamment exploré par le cinéma, mais aussi toutes les autres formes d’art. Bref, une tâche difficile que celle de Galore, et pourtant, le cinéaste et ses jeunes acteurs parviennent à nous communiquer, sans retenue de la part de l’actrice Ashleigh Cummings, toute la chaleur du cadre ensoleillé dans lequel se déroule ce drame romantique, auquel on pourra toutefois reprocher un rythme parfois trop lent mais sans conséquence sur son déroulement.
Dès le départ, Billie nous annonce avec simplicité les évènements à venir, puis le récit évolue en nous laissant dans l’attente de ce dénouement sur fond de catastrophe naturelle, dont nous ne pouvons pas encore prédire l’impact que cela aura sur les personnages. Un film magnifique donc, exposant son propos avec peu de complexe et beaucoup de sincérité et de recul.
Più buio di mezzanotte de Sebastiano Riso
Semaine de la Critique
En compétition pour la caméra d’or, ce film est donc le premier long-métrage du réalisateur italien Sebastiano Riso.
On y suit l’histoire de Davide, adolescent androgyne de Catane. Cherchant à s’évader du milieu familial, il se rend régulièrement dans une zone de prostitution de la ville dans le but d’y côtoyer un groupe d’homosexuels, ce qui alimente la colère de son père, avec lequel il entretient des relations difficiles. Ehonté, celui-ci le maltraite devant sa mère, aussi moralement que physiquement impuissante, et pousse Davide à s’enfuir pour rejoindre définitivement ceux que la ville considère comme des parias. Imaginant alors une existence par laquelle il pourra enfin s’épanouir, il ne se rendra compte que trop violemment de la noirceur de cette vie de marginal.
Armé d’une esthétique solide et parfaitement adaptée au récit, le film nous plonge dans cet univers et nous permet de ressentir avec justesse son atmosphère sombre et glaciale, ou, plus rarement, festive et pleine d’espoir. Mais au-delà de la réalisation, le film est avant tout porté par la prouesse de ses acteurs, notamment Davide Capone, interprète du personnage principal. Le film nous expose le destin tragique de ce garçon beau et faible, dont le dénouement, fort et émotionnellement éprouvant, ne peut vraiment pas laisser indifférent.